C’est vrai qu'aux Pays-Bas les parents abandonnent les enfants dans les bois pour leur apprendre à se débrouiller ?
Chère Francine, je ne vis pas aux Pays-Bas, mais j’ai vu récemment un post paru sur le compte d’un média américain. Ce post concernait une pratique appelée dumping, qui consiste à abandonner les petits enfants néerlandais dans les bois en pleine nuit. Ils doivent ensuite se débrouiller pour rentrer chez eux. Vous faites vraiment ça ?
Léa
Chère Léa,
Quand tu m’as posé cette question, la première chose que je me suis dite, c’est : « hum, ce n’est pas impossible, ça leur ressemble bien même si la tranche d’âge que tu cites me semble un peu extrême. »
Comme toujours, lorsque je dois répondre à une question sur la culture néerlandaise, j’invoque mon mari, lui-même néerlandais. Celui-ci m’a dit : « – Hein ? Mais n’importe qu… Ah si ! Mais ce sont les scouts qui font ça, et avec des ados. » Cette réponse est satisfaisante, mais ne peut couvrir, à elle seule, un article de plusieurs centaines de mots et j’ai donc effectué des recherches complémentaires.
Le dumping, qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Le dumping, ou le jet, littéralement traduit en français, désigne une pratique qui consisterait à jeter ses enfants dans la forêt quand il fait très noir et de les y laisser jusqu’à ce qu’ils retrouvent le chemin de chez eux.
D’accord, on ne plaisante pas avec l’autonomie ici, et, en effet, le dumping existe bel et bien, mais dans les faits, on est très loin du scénario Petit Poucet que tu me décris. Alors comment cette rumeur est arrivée jusqu’à tes oreilles ?
Tout commence en 2019, avec un article du New York Time qui aborde une tradition scoute néerlandaise connue, consistant à abandonner les enfants dans les bois en pleine nuit et à les laisser retrouver leur chemin. Si l’article insiste sur le contexte de l’opération, le tweet qui promeut l’article annonce seulement :
Twitter rétablit la vérité
Twitter a rapidement remis les points sur les i. Non, personne ne laisse son petit enfant seul dans la forêt en pleine nuit (d’autant plus que notre pays d’accueil est l’un des pays les plus urbanisés au monde et le concept de forêt y est très abstrait) pour lui apprendre à se débrouiller. Malgré tout, depuis quatre ans, la rumeur tourne follement. Et c’est ainsi que des médias en peine d’actu chaude partagent régulièrement l’histoire de ce royaume du Nord, dont les plus petits sujets errent sans fin dans la forêt, en espérant en sortir un jour.
S’il peut arriver de croiser des jeunes au milieu de la nuit, arpentant les 200 mètres carrés de terrain boisé de votre ville, il s’agit avant tout de scouts (pré) adolescents en plein jeu de piste. Ou d’adolescents, qui se soûlent joyeusement au Vlugel et au Breeze. Mais, ce n’est pas le sujet de cet article. En bref, les scouts néerlandais, comme leurs comparses du monde entier organisent des jeux de piste nocturnes. Pas de quoi scandaliser (ou fasciner) les foules internationales.
Pourquoi la rumeur de dumping continue de tourner ?
Selon les études, les enfants néerlandais seraient les plus heureux au monde. En cause, une inclusion des enfants dès leur plus jeune âge comme membres à part entière de la société, mais aussi un mode éducatif qui privilégie le jeu libre et la socialisation, à son rythme et sans pression. Là où d’autres pays privilégient l’éveil à tout prix à coups de trop nombreuses activités stimulantes, les petits Néerlandais explorent leur univers en toute autonomie. Sous l’égide des trois R (Rust – repos, Reinheid – propreté et Regelmaat – régularité), les parents dutch veulent avant tout offrir un quotidien stable et confortable à leurs enfants, et les laisser vivre leur vie tranquillement.
De quoi donner des complexes à des pays comme les États-Unis où la parentalité hélicoptère, qui investit à outrance dans le potentiel des enfants, est en vogue, alors même que le pays déplore un taux d’anxiété infantile élevé. Pour certains, ce dumping dans les bois ferait donc office de formule magique un peu réactionnaire visant à discréditer, selon les cas, les compatriotes américains, ou « ces grands (littéralement) malades de Néerlandais ».
Les Dutch se lâchent sur Twitter
Les Néerlandais assument leurs tendances pragmatiques. Ils encouragent effectivement l’autonomie de leurs enfants et évitent l’épuisante stimulation constante. Mais les Dutch restent des parents comme les autres. Quand ils ont appris qu’on les accusait de jeter leurs enfants dans les bois, leurs réactions ne se sont pas fait attendre, parfois avec beaucoup d’humour.