La chasse aux tulipes est ouverte !

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Le spectacle va commencer ! Prenez la clé des champs, enfourchez vos vélos et surtout dépêchez-vous : la beauté éphémère des tulipes n’attend pas ! Chaque année, au début du printemps, la même fièvre anime touristes et expat’ qui se précipitent du côté de Lisse pour s’enivrer de couleurs à s’en brûler les rétines, et prendre des photos super clichées. Chaque année, il y a aussi ceux qui rentrent bredouilles de leur chasse aux champs : où se trouvent les plus beaux coins pour admirer les tulipes, comment s’y rendre, quel est le flower forcast 2021 ? Francine vous partage tous ses bons tuyaux.

Tout d’abord, un peu d’histoire

Symbole national, au même titre que les moulins et les sabots de bois, la tulipe déchaîne les passions des Néerlandais depuis bientôt 500 ans. Importés de Constantinople autour de 1560, les premiers bulbes se font d’abord une jolie réputation dans le club très fermé des botanistes. Certains bulbes rares, et donc précieux, sont contaminés par un potyvirus qui donne aux tulipes un marbré de couleurs éclatantes et un « cassé » délicat. Au début du 17e siècle, les bourgeois commencent à s’amouracher de ces nouvelles variétés infectées dont la culture est excessivement difficile. La demande démesurée dépasse largement l’offre et, en 1636, une bourse de commerce des bulbes de tulipes est mise en place aux Pays-Bas pour négocier les prix et assurer les transactions. 

 

S’il est impossible d’évaluer véritablement l’ampleur du phénomène (les historiens de l’économie se déchirent encore sur le sujet), il semblerait que cette tulipomanie soit à l’origine de la première bulbe spéculative. Entre 1634 et 1637, le prix des oignons de tulipe augmente de 5 900% : un bulbe infecté pouvait ainsi valoir deux maisons, soit quinze fois le salaire annuel d’un artisan ! Le 5 février 1637, le marché de la tulipe s’effondre, sans pour autant avoir un réel impact sur l’économie du pays. Cette folie horticole aura tout de même été particulièrement traumatisante pour une partie de la population qui trouve inconcevable que le prix d’une simple fleur fragile et futile puisse atteindre de tels sommets. 

 

Futile la tulipe ? Pas tant que ça : trois siècles plus tard, la fleur semble avoir pris sa revanche et sauvé la vie des milliers de Néerlandais les plus pauvres. Pendant l’hiver 1944-1945, les Pays-Bas connaissent une famine terrible, de hongerwinter : pour les punir de leur manque de coopération, les nazis affament les habitants des grandes villes en bloquant l’approvisionnement en nourriture. Toutefois, les allemands n’avaient pas anticipé le pragmatisme néerlandais ni l’ingéniosité du désespoir : cet hiver-là, le gouvernement néerlandais publie des recettes expliquant comment préparer les bulbes de tulipe déshydratés qui n’avaient pas pu être plantés à l’automne et qui encombraient les entrepôts. Des milliards d’oignons de tulipes ont donc été réduits en farine pour faire un pain au goût peu recommandable, mais plein de minéraux, et coupe-faim.

Quand voir les tulipes aux Pays-Bas ?

Attention au timing : le spectacle est à son comble pendant 3 jours maximum, et mérite bien un PTO s’il se déroule en pleine semaine ! Venez trop tôt et vous verrez plus de feuilles que de pétales. Venez trop tard, et vous contemplerez un champ de ruine, les fleurs étant décapitées au paroxysme de leur beauté. En effet, ces tulipes sont cultivées pour leur bulbe, et la fleur prend trop d’énergie à l’oignon pour rester tout le printemps.

Impossible d’anticiper l’événement qui dépend entièrement de la météo capricieuse du printemps. Il faut donc être sur les starting blocks pour s’offrir ce festival éphémère.

 

Pas question toutefois de faire des allers-retours quotidiens dans les champs pour évaluer l’éclosion des fleurs. Généralement, des webcams installées dans les champs facilitent grandement la synchronisation ;  mais cette année, pas de webcams. Vous avez donc deux options pour suivre le flower forcast

  •  Consulter assidument la page Facebook du Tulip Festival qui fait un point quasi-quotidien sur l’état des champs. 
  •  Vous abonner à leur newsletter  pour recevoir chaque semaine des prévisions détaillées.

 

La bonne nouvelle, c’est que les tulipes ne sont pas les seules fleurs cultivées aux Pays-Bas ! Si leur variété éclatante est de loin la plus impressionnante, il est toujours possible de s’offrir des jonquilles et des jacinthes en mars et avril sans trop se soucier du timing.

Printemps 2021 : flower forcast

Crocus

De début mars à début avril

 

Jonquilles

De début mars à mi-avril

Jacinthes

De fin mars à fin avril

Tulipes

Pic de floraison très précis, vers la mi-avril

Où voir les tulipes ?

 

Il serait trop facile d’écrire « dans la région de Bollenstreek, à 40 kilomètres d’Amsterdam ». Vous partiriez, intrépide, à la conquête des tulipes, sillonneriez le Bollenstreek pendant des kilomètres, et rien : pas une seule fleur à l’horizon. Vous abandonneriez, dépité, convaincu qu’il n’y avait pas encore, ou plus, de tulipes à admirer, et maudissant Francine. Sur le trajet du retour, vous verriez la story de Josiane qui fait la belle dans les champs colorés, et vous ne sauriez retenir quelques larmes de dépit.

 

 

On pourrait croire qu’il est difficile de passer à côté d’un champ flamboyant de plusieurs hectares, mais il n’en est rien. Pour éviter les chagrins, les errances cyclistes et surtout optimiser le ratio effort/récompense, voici le Saint Graal des chasseurs de tulipes : la carte des champs, organisée autour d’une boucle à vélo . En cliquant sur chaque icône de fleur, vous aurez un aperçu de l’état du champ la semaine passée.

Comment voir les tulipes ?

À bicyclette, pardi, comme Yves Montand.

 

 

1 – Vous vous tapez la mission depuis Amsterdam : 40 kilomètres, par beau temps sur un vélo électrique, ça se tente.

2 – Vous conservez votre énergie pour battre la campagne. L’idéal est d’embarquer votre bécane dans le train (7 euros la journée) et de vous arrêter à la gare d’Hillegom. Si vous ne voulez pas faire voyager votre vélo, vous pouvez également en louer un à la station pour 15 euros la journée. En théorie, vous pouvez également emprunter un OV-fiets à la gare d’Hillegom, mais ne comptez pas trop dessus vu la popularité du coin et le nombre de vélos disponibles.

 

La boucle de 35 kilomètres (sur du plat, sans surprise) devrait vous prendre deux petites heures, sans compter les innombrables pauses photo.

Keukenhof

Le Disneyland de la tulipe restera fermé cette année. Si on prie de tout cœur pour sa réouverture à la saison prochaine, c’est surtout qu’elle marquerait la fin de la pandémie : se frayer un chemin dans un champ de selfie sticks n’est pas l’expérience recherchée quand on va aux tulipes. L’avantage indéniable de Keukenhof, c’est qu’il regroupe et écarte les milliers de touristes qui ne prennent pas la peine de se mettre en quête du spectacle gratuit qui s’étend à quelques mètres du parc. Ça en fait donc moins dans les champs.

 

 

Cela dit, si vous avez 18 euros à perdre, que voulez montrer les tulipes à mémé ou simplement « le voir pour le croire », ne vous gênez surtout pas. Keukenhof rassemble des fleurs tout à fait sublimes et, pour vous y rendre, vous n’avez clairement pas besoin d’une logistique aussi aboutie que pour voir les champs de tulipes. Un car depuis Amsterdam et c’est réglé.