C’est un fait avéré : la prostitution existe depuis la nuit des temps. De la prostitution sacrée de la Mésopotamie antique aux « dames de plaisir » du Bois de Boulogne, en passant par les courtisanes vénérées de l'Angleterre victorienne, la plus vieille profession du monde a traversé les âges, enveloppée de tabous. Pourtant, alors que de nombreuses villes européennes relèguent encore les prostituées dans l'ombre, Amsterdam se tient fièrement, sans complexe.

Amsterdam, (enfin) une prostitution assumée et décomplexée

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Camille Gost

Imaginez : Amsterdam, célèbre pour ses vélos, ses tulipes et... son quartier rouge sulfureux.

C’est un fait avéré : la prostitution existe depuis la nuit des temps. De la prostitution sacrée de la Mésopotamie antique aux « dames de plaisir » du Bois de Boulogne, en passant par les courtisanes vénérées de l’Angleterre victorienne, la plus vieille profession du monde a traversé les âges, enveloppée de tabous. Pourtant, alors que de nombreuses villes européennes relèguent encore les prostituées dans l’ombre, Amsterdam se tient fièrement, sans complexe. 

Amsterdam, avec son dynamique Quartier Rouge, met en avant ses travailleuses du sexe derrière des vitrines illuminées, défiant ainsi les normes et les perceptions sociétales. Alors, prise de position politique délibérée ou approche pragmatique de la santé publique ? Francine et ses copines décryptent.

La prostitution à Amsterdam, ça a commencé quand ?

Les racines de la prostitution à Amsterdam remontent au XIIIe siècle, lorsque la ville vit naître son plus ancien quartier, connu sous le nom de « Quartier Rouge » ou De Wallen. Avec un port animé attirant les marins, il attira inévitablement des femmes offrant leurs services. Alors qu’Amsterdam prospérait, son industrie du sexe fleurissait également, marquant ainsi le début d’une longue histoire remontant au XVe siècle avec l’établissement des premiers bordels.

 

Pourtant, cette liberté sans complexe pour les travailleuses du sexe fut de courte durée. Au XVIe siècle, avec l’avènement du protestantisme, la prostitution fit face à une condamnation sévère, tant sur le plan moral que légal. Les bordels fermèrent leurs portes, et les prostituées furent contraintes à un travail clandestin, naviguant dans les rues sous le couvert de l’obscurité. L’hypocrisie prévalait tant qu’elles restaient cachées.

 

Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les maisons closes telles que nous les connaissons aujourd’hui furent établies. À Amsterdam, ces établissements, initialement appelés « maisons de jeux », regroupaient les services des femmes, le logement et la subsistance, marquant ainsi le début d’une ère nouvelle dans le monde de la séduction urbaine.

 

Même s’il est difficile de donner un nombre exact, on estime qu’aujourd’hui, il y a plus de 25 000 prostituées travaillant aux Pays-Bas (ONUSIDA, 2016). Parmi elles, 1000 sont actives à Amsterdam chaque jour, la plupart travaille dans les 370 vitrines ou dans des clubs échangistes dans et autour du Quartier Rouge.

Que penser de cette façon d’appréhender la la prostitution aux Pays-Bas ?

La légalisation de la prostitution est souvent perçue comme un choix politique majeur, façonné par une multitude de facteurs, allant des considérations sociales et économiques aux questions de droits de l’homme et de santé publique. Pour certains gouvernements, la légalisation est considérée comme un moyen de réglementer une pratique déjà répandue, offrant ainsi un cadre légal pour protéger les travailleurs du sexe, garantir leurs droits, et lutter contre les abus et l’exploitation.

Finalement, pour les Pays-Bas, légaliser la prostitution est une décision ancrée dans la philosophie du respect des droits individuels et de la liberté personnelle.

Néanmoins, la prostitution étant réglementée de manière stricte, partout aux Pays-Bas, les travailleur.seuse.s du sexe doivent s’inscrire auprès de la Chambre de commerce, payer des impôts et respecter les règles sanitaires et de sécurité, on peut légitimement se demander si tout ça ne revient pas à renforcer le contrôle déjà omniprésent des autorités sur cette profession. Et, par extension, sur les femmes (grandement majoritaires dans l’exercice de la profession). 


La légalisation de la prostitution soulève des débats passionnés quant à ses avantages et ses in-

convénients. D’un côté, elle offre un accès accru aux soins de santé sexuelle et renforce la sécuri-

té avec des mesures telles que la présence de caméras autour des vitrines, des patrouilles régu-

lières de policiers et des systèmes d’alarme dans les chambres. 

Cependant, cette réglementation impose également des règles strictes aux travailleurs et travailleuses du sexe. Ces derniers sont souvent contraints de prendre un nombre minimum de clients par jour afin de couvrir leurs loyers, les contraignant parfois à des journées de travail exténuantes pouvant aller jusqu’à 16 heures consécutives, six jours par semaine.

Cette approche suscite légitimement des interrogations quant à son impact sur le bien-être des

travailleurs et travailleuses du sexe. Est-ce véritablement un environnement sain pour eux, ou

bien une façade séduisante masquant une réalité plus sombre ?

Un autre aspect préoccupant réside dans la question de la protection des données personnelles. Dans des sociétés où le travail sexuel est souvent stigmatisé, de nombreux individus préfèrent protéger leur identité. Aux Pays-Bas, cependant, cette option est quasi impossible. En effet, tout travailleur indépendant doit obligatoirement s’inscrire à la Chambre de Commerce, exposant ainsi ses informations personnelles au grand public. Cette situation met en lumière les dilemmes complexes auxquels sont confrontés les travailleurs et travailleuses du sexe dans le cadre de cette légalisation.

Toutes ces raisons, couplées avec l’idée de la Gemeente d’Amsterdam de délocaliser le fameux quartier rouge au sud de la ville, nous poussent à nous demander si finalement, Amsterdam

comme ses consoeurs européennes ne serait pas légèrement complexée par ses prostituées.

Et vous ? Qu’en pensez-vous ?