Pourquoi les Dutch déménagent-ils avec leur plancher ?
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Marine DUPÉ
Il arrive encore aux Pays-Bas de visiter des appartements tout nus qui exhibent sans pudeur leur intimité en béton : les anciens locataires sont partis avec le plancher ! Ça n’a aucun sens : la seule façon de recycler son plancher serait d’emménager dans un appartement plus petit, ce qui est rarement le cas. Alors pourquoi passer deux jours à tout démonter et finalement abandonner son parquet dans une benne ? L’évident « parce que les Dutch sont de gros radins », n’est pas le seul élément de réponse. Cette curiosité toute baroque s’avère, encore une fois, culturelle.
Kaal drôle d’idée !
En France, nous avons le choix entre des habitations vides (gestoffeerd) ou meublées (gemeubileerd), mais il existe ici une troisième option (kaal), qui s’apparente à « plus que vide ». Des appartements généralement sans cuisine, sans sol et, s’il était possible d’enlever la peinture des murs, sans peinture. Ils sont évidemment moins chers à la location que les autres et, par conséquent, de moins en moins fréquents. Toutefois, ne vous laissez pas surprendre si vous visitez un appart tout nu : il n’est pas en travaux, il est kaal, « chauve ».
Le plancher, un bien meuble
Si, pour nous Français, déménager son plancher équivaut à partir avec les portes, aux Pays-Bas les revêtements de sol sont considérés par les agences immobilières, les propriétaires et donc les locataires, comme un bien meuble, au même titre que les rideaux. Et, en France, on déménage avec ses rideaux. Et on n’est pas scandalisé de louer un appart sans rideaux.
Faut pas pousser mémé, me direz-vous, le plancher c’est la base. Pas vraiment. Si on y réfléchit bien, vous ne devez pas sautiller entre les poutres : vous avez bien un sol sous les pieds, simplement il vous appartient de le couvrir, à votre goût. Les Oud-Westiens préfèreront un parquet en bois massif, les étudiants un lino imitation bois, et ceux qui ne souffrent pas d’allergie aux acariens pourraient faire l’erreur d’installer une grosse moquette. Ce qu’on pose pour recouvrir le béton, c’est une question de goût, et donc de la déco.
Débarrassez-moi le plancher !
Comme ils sont de la décoration, il est clairement stipulé dans les baux de location que les revêtements de sol doivent être retirés au départ du locataire, au même titre que les trous doivent être rebouchés et les murs repeints de la couleur d’origine : l’appartement doit être rendu dans l’état où il a été loué.
Si vous ne retirez pas votre sol, l’agence immobilière/votre propriétaire pourrait faire appel à une société qui le fera à votre place pour un prix délirant. Que vous devrez payer. Même si vous voulez gracieusement abandonner votre précieux plancher en bois massif, demandez un accord écrit de la terre entière, ou votre généreuse donation vous coûtera bonbon.
Mais oui, les Dutch sont des radins.
Car pour éviter de démonter son sol, il est coutume de contacter le nouveau locataire pour le lui vendre, ou plus généralement pour entreprendre de rudes négociations dont tout le monde sort perdant. Prétextant qu’il n’est pas à leur goût, les prochains occupants comptent sur le fait que le locataire sortant abandonne son plancher pour une bouchée de pain afin de s’éviter la corvée du démontage. Mais celui-ci, facture à l’appui, exige une somme trop élevée, conscient du bluff de ses interlocuteurs. Dans ce jeu de pouvoir et d’égos à couteaux tirés, le plancher est généralement retiré et abandonné rageusement près du container à restafval.
Attention, si vous trouvez un accord avec le nouveau locataire, exigez une preuve écrite, car s’il change d’avis vous risquez, là aussi, de vous faire facturer le démontage.
Alors que le marché immobilier est tendu comme un string, les propriétaires préfèrent désormais installer un revêtement de mauvaise qualité pour augmenter leur loyer de quelques centaines d’euros par mois. Toutefois, certains appartement restent kaal. Le bon plan si vous emménagez dans une maison sans plancher ? Marktplaats. Vous y trouverez des sols de toutes les qualités à prix cassé.
