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Stress et burnout :
à qui la faute ?

Aux Pays-Bas, comme en France, les entreprises sont responsables de la santé de leurs salariés. Il existe des normes de sécurité pour tous les travaux dangereux. Malgré tout, des accidents arrivent, par malchance ou par négligence. 

Pour la santé mentale, c’est la même chose : l’entreprise est responsable de la santé mentale de ses salariés. 

Alors pourquoi autant de burnouts ? 

Surtout aux Pays-Bas où le sentiment général est que l’équilibre de vie est davantage valorisé qu’en France. Nous en avons parlé dans Francine : entre quitter le bureau à l’heure, éviter le présentéisme et le temps partiel largement répandu, on pourrait s’attendre à une moindre prévalence de la souffrance au travail… Et pourtant, ici comme ailleurs, le burnout est un sujet de santé publique.

Le stress et le burnout aux Pays-Bas : quelques données

Combien de personnes souffrent-elles d’épuisement professionnel ? 

Une enquête réalisée par TNO en 2020 montre que 16% de salariés aux Pays-Bas (1,2 million) et 9% des indépendants ont des symptômes de burnout.

Une autre enquête, réalisée sur un (très) petit échantillon, montre que 56% des salariés aux Pays-Bas seraient à risque de burnout.

Comme souvent quand on parle d’épuisement professionnel, les chiffres divergent… Il existe une échelle de mesure mais l’appréciation reste subjective. 

Quoi qu’il en soit, 37% des salariés néerlandais  pensent qu’il faudrait instaurer des mesures contre le stress dans l’entreprise.

Aux Pays-Bas, le stress est la maladie professionnelle la plus fréquente. En France, les troubles psychologiques sont la première cause d’arrêt de travail de plus de 30 jours. 

Quel est le coût pour les entreprises ?

34% des salariés absents le sont à cause du stress et de la pression au travail. 

En moyenne, une absence pour burnout dure 8 mois (et c’est vraiment une moyenne basse !).

Globalement, le stress a coûté 3,2 milliards aux entreprises en 2019 et 9,4 millions de jours de travail ont ainsi été perdus.

Le burnout coûte en moyenne 80000 € à l’entreprise, et cette estimation ne prend pas en compte le coût du remplacement du salarié absent…

D’où vient le concept de burnout ?

En français, on parle alternativement de burnout ou d’épuisement professionnel.

Le terme même de burnout est apparu dans les années 70 aux États-Unis, avec Freudenberger, un psychologue qui a lui-même fait un burnout avant d’en décrire la symptomatologie et de la conceptualiser. En l’occurrence, il a commencé à parler de burnout pour les bénévoles qu’il côtoyait et qui travaillaient avec les SDF et les toxicomanes des cités américaines. Ces bénévoles s’investissaient beaucoup – physiquement et psychologiquement – dans une activité non rémunérée qui offrait peu de résultats : fréquemment, les personnes accompagnées décédaient.

Plus tard, le concept a été appliqué aux personnels soignants, puis aux enseignants, et à tous les métiers d’aide ou d’accompagnement, avant d’être utilisé dans les années 2000 pour l’ensemble des professions, quel que soit le secteur d’activité ou le niveau de responsabilité..

De quoi parle-t-on quand on parle de burnout ?

Très souvent l’imagerie associée au burnout est une allumette entièrement consumée : on imagine un flash, quelque chose de quasiment instantané. 

En réalité, le burnout, c’est plutôt l’épuisement d’une pile, un réservoir vide. 

Pourquoi ? Parce que si la réalisation est soudaine et souvent violente, le processus lui-même prend du temps : on ne fait pas un burnout du jour au lendemain.

Pour que l’on parle de burnout, il faut cumuler plusieurs symptômes : être fatigué, même très fatigué, ne fait pas nécessairement le burnout. Être fatigué pendant quelques semaines et récupérer pendant les vacances ne fait pas non plus un burnout.

Les symptômes

Ils sont de plusieurs ordres. Bien sûr il y a une extrême fatigue mais elle s’accompagne de symptômes physiques – insomnie ou hypersomnie, maladies, douleurs, etc. ; de symptômes émotionnels – débordements émotionnels (larmes, colère, etc.), isolement affectif et social, etc. ; de symptômes mentaux – perte d’estime de soi, anxiété, syndrome dépressif, etc.  

Ce ne sont que des exemples et tous les symptômes ne sont pas présents ensemble.

C’est aussi pourquoi il est souvent difficile de diagnostiquer un burnout.

Par ailleurs, ce sont souvent les variations, les changements qui sont vraiment significatifs :

Une personne qui n’a plus envie, voire appréhende d’aller au travail alors que tout allait bien; une personne d’habitude très socialble qui s’isole ou le contraire…

C’est aussi pourquoi il est parfois difficile de différencier un burnout d’une dépression – qui est une maladie. Si le burnout peut mener à la dépression, les deux ne sont pas systématiquement liés.

Les causes

Tout se passe lors de la rencontre d’un environnement et d’une personnalité. Voilà, c’est tout ! Enfin, non, parfois s’ajoute un élément déclencheur.

Certains environnements de travail sont toxiques et vont générer du stress et donc aussi des burnouts, mais tout le monde ne sera pas affecté de la même façon.

Qu’est-ce qu’un environnement de travail toxique ?

Un environnement de travail a 3 dimensions : le niveau d’exigence, le niveau d’autonomie et le soutien social.

Beaucoup de choses à faire, des activités compliquées ou qui demandent une grande attention : c’est un environnement de travail exigeant. Tout va bien tant qu’on a les moyens de faire ce qui est attendu de nous.

Le niveau d’autonomie est important : plus on a de liberté dans la façon de travailler, plus on est à l’aise dans son activité. En fait, plus le niveau d’autonomie correspond à ce que l’on recherche, plus on se sent bien.

Le soutien social joue un rôle évident : c’est le fait de pouvoir demander de l’aide ou du soutien, des explications, etc.

Donc ne pas avoir les moyens de faire ce que l’on attend de nous, c’est manquer : de temps, de compétences, d’outils ou de soutien, par exemple..

La pression du temps, par exemple, est un problème récurrent. Et c’est encore pire quand on attend de nous que l’on fasse vite et bien !

Mais tout cela ne contribue pas à un burnout si on a le temps de récupérer régulièrement, de comprendre ce qu’il faut changer ou d’acquérir les compétences nécessaires.

Un projet qui s’emballe, c’est ok si ça ne dure pas trop longtemps et que l’on a des temps pour la réflexion et pour capitaliser sur le processus.

En bref, des exigences fortes mais avec de l’autonomie et du soutien social, c’est un environnement de travail stimulant qui permet de se développer.

En revanche, une situation dans laquelle on subit une forte pression, sans autonomie et sans soutien de ses collègues ou de sa hiérarchie et on court le risque d’un épuisement professionnel. Surtout si la situation dure ou si l’environnement est clairement toxique du fait de managers ou de collègues toxiques ou harcelants.

Pourquoi certaines personnes font un burnout (et pas d’autres) ?

Pour être clair : il n’est pas question de dire que la responsabilité du burnout est du côté des salariés ! Comme on l’a dit au début, l’entreprise est responsable de la santé de ses employés. Dans un monde idéal, les managers seraient capables de reconnaître les prémices du burnout et d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard.

Mais le fait est que certaines personnalités sont plus à risque de faire un burnout que d’autres.

Il s’agit des personnes très engagées dans leur travail, qui accordent une grande importance à la réussite de leur activité, à la qualité de leur performance.

Par exemple : 

  • une personne qui veut bien faire, qui pense que son activité a du sens et de l’importance ;
  • à un moment, l’engagement dans le travail ne va pas suffir : soit objectivement (pression du temps), soit subjectivement (impression qu’il faut en faire plus) ; La personne va redoubler d’efforts pour y arriver malgré tout ;
  • Cela ne suffit toujours pas ; le doute s’installe (“et si je n’étais pas à la hauteur ?”)
  • la personne s’engage encore plus : fait plus d’heures, ne pense qu’au travail…

Jusqu’au moment où le corps appuie brutalement sur la pédale de frein : il est alors impossible de sortir du lit (c’est une manifestation fréquente), ou d’arrêter de pleurer, et ce ne sont que des exemples…

À ce stade, il est indispensable de consulter et de s’arrêter !

C’est bien entendu un résumé et un exemple… mais c’est bien le désir ou le besoin de réussir à tenir son poste à tout prix qui conduit au burnout.

Si on se moque d’y arriver ou pas, ou si on considère que l’on n’a pas à pallier les manques de l’organisation du travail, alors on se préserve mieux du burnout.

Si on a appris à gérer son stress aussi, mais ça ne suffit pas toujours.

Et puis il y a les événements déclencheurs

Le décès d’une personne proche, un divorce, voire une naissance ou une expatriation peuvent déstabiliser et fragiliser la relation que l’on a au travail ou sa capacité à faire face aux difficultés rencontrées au travail.

Attention, cela ne veut pas dire qu’il y a toujours un élément déclencheur ! 

J’ai parlé d’une naissance comme d’un événement potentiellement déclencheur : aux Pays-Bas en 2019, 15% des femmes et 9% des hommes disaient avoir fait un burnout… On peut imaginer que la charge mentale des femmes et des mères en particulier joue un rôle dans la plus forte prévalence chez les femmes.

Comment se remet-on d’un burnout ?

Il est indispensable d’arrêter de travailler et de se faire accompagner dans son retour à l’emploi. S’arrêter quelque temps et reprendre à temps plein dans les mêmes conditions est le meilleur moyen de… faire une rechute !

Les relations entre salarié et entreprise

Aux Pays-Bas, c’est le service de médecine du travail (Arbodienst) qui décide si vous êtes apte ou pas à travailler. C’est aussi ce service qui décide du processus de retour au travail. Contrairement à la France où l’histoire de la médecine du travail en fait un service souvent militant pour la santé au travail, l’arbodienst est un service privé. Ce service est financé par les entreprises qui, autre spécificité néerlandaise, versent le salaire des salariés absents pendant une période qui peut aller jusqu’à 2 ans. Même si elles s’assurent parfois contre ce risque, le coût est réel pour les employeurs. 

Aujourd’hui, on considère qu’il faut environ 8 mois avant de pouvoir reprendre le travail mais l’attitude des médecins change et évolue. 

Il y a quelques années, on pensait qu’il fallait laisser tranquilles les salariés arrêtés et ne même pas prendre de leurs nouvelles, sous peine de les mettre sous pression. Et puis on s’est rendu compte que la reprise était extrêmement difficile, d’autant que l’absence durait souvent 2 ans.

Aujourd’hui les médecins ont plutôt tendance à inciter au retour au travail : d’abord à temps très partiel – 2 heures par semaine, par exemple – puis en augmentant progressivement. De ce fait, les tâches et activités sont évidemment allégées et différentes de ce qu’elles étaient avant le burnout.

Le plan de reprise du travail doit toujours se faire en accord avec la personne arrêtée.

Ça, c’est la théorie…

Dans la pratique, on se rend compte que la prise en charge dépend très largement du médecin que l’on voit. Certains vont co-construire le plan de retour au travail avec la personne, d’autres vont davantage pousser pour une reprise rapide. 

Aux Pays-Bas comme en France, l’action collective sur les conditions de travail doit être privilégiée à une action individuelle. Pour autant, la tendance est plutôt à demander aux salarié’es de faire ce qu’il faut pour être capable de travailler : soigner son alimentation, faire du sport, bien dormir, etc. C’est aussi leur responsabilité de demander des changements si la situation de travail ne leur convient pas.

Du côté de l’entreprise, il est souvent difficile de suivre les plans de réintégration : trouver de quoi occuper quelqu’un pendant 2 ou 4 heures par semaine, n’est pas toujours évident.

Et que dire du ou de la salariée ? Revenir parmi ses collègues et son management alors qu’on n’est pas vraiment en état de travailler ? Revenir alors que ces personnes nous ont vu au plus mal ?

C’est pour cela que bien souvent (je n’ai pas les chiffres et je ne sais pas s’ils existent), cela se termine par une séparation à l’amiable. La personne continue alors à se référer au service de médecine du travail et l’UWV prend la suite de l’entreprise pour le retour à l’emploi.

Éviter la rechute

Une fois qu’on a fait un burnout, on sait généralement mieux repérer les signes et s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

Il est important de comprendre ce qui nous a conduit à l’épuisement. Pourquoi s’est-onperdu dans le travail ? Pourquoi a-t-on sacrifié son propre bien-être ? Et la réponse ne se trouvera pas seulement dans l’organisation de travail comme on l’a vu plus haut.

Il faut se connaître pour prévenir une rechute et identifier les environnements de travail qui nous conviennent.

C’est un travail de fond qui mérite qu’on s’y consacre avec attention et intention.