Rencontre avec Aimée de Jongh
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Marie-Caroline HADDAD
Autrice de bandes dessinées néerlandaise internationalement reconnue, Aimée de Jongh a accepté de répondre aux questions de Francine à vélo. Cet échange est l’occasion d’évoquer, entre autres sujets, le rapport des Néerlandais avec le neuvième art ! Au fil de cette lecture, ne vous étonnez pas si vous arrivez à la même conclusion que nous : si une artiste devait faire le pont entre la France et les Pays-Bas, nul doute qu’Aimée serait un excellent choix.
Pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Aimée de Jongh et je suis créatrice de bandes dessinées et de romans graphiques. Je suis née dans le sud des Pays-Bas, près du parc d’attractions De Efteling, où j’ai passé la plupart de mes mercredis après-midi. Le parc m’a certainement inspirée pour dessiner et créer des mondes fantastiques sur papier. De plus, comme mes parents étaient de fervents collectionneurs de bandes dessinées, il n’était pas surprenant qu’à un moment donné je découvre leur collection et commence à dessiner des bandes dessinées moi-même.
Après des études d’Animation en école d’art, on m’a demandé de créer des bandes dessinées pour un journal au quotidien. Depuis, je travaille comme créatrice de bandes dessinées, et j’ai la chance de faire un travail qui me plait toujours, tous les jours. Mes autres passions sont les films et l’animation. D’ailleurs, la cinématographie fait partie de mon travail.
Vous êtes auteure et illustratrice. Par conséquent, vous illustrez parfois votre propre scénario ou celui de quelqu’un d’autre. Quel exercice préférez-vous et pourquoi ? Lequel présente le plus de défis ?
J’apprécie vraiment l’écriture … Mais je dois admettre que cela peut me frustrer. Le dessin me vient facilement, presque automatiquement. Je peux voir ce que je veux dessiner dans ma tête, puis le dessiner directement en entier et avec précision. Avec l’écriture, c’est un processus très différent. Je trébuche et tombe, j’arrive à des tournures de l’intrigue par accident et puis je pense « Oh, c’est plutôt bien, en fait ! Je vais le garder ! ». Donc, travailler avec des gens qui écrivent est beaucoup plus facile pour moi. Cependant, cela me manquerait vraiment si je n’écrivais rien du tout.
Pensez-vous que les romans graphiques ont connu une nouvelle vague au cours des dix dernières années ? En France ? Aux Pays-Bas ?
Oui, définitivement. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus d’attention pour les romans graphiques dans les médias et dans les librairies ces temps-ci. Par exemple, les librairies ont des casiers séparés pour les romans graphiques, alors que cela n’était vraiment pas possible il y a quelques années. Comme les romans graphiques sont assez chers, une grande partie de leur succès dépend de la situation économique d’un pays. S’il y a de la richesse et de l’optimisme économiquement, les gens achèteront plus de romans graphiques. C’est presque un article de luxe, ou du moins un joli cadeau que vous offririez à quelqu’un (ou à vous-même). J’espère qu’il deviendra un objet plus « grand public » à l’avenir, plus facile à acheter pour tout le monde.
Comment décririez-vous la culture de la bande dessinée aux Pays-Bas ?
La culture de la bande dessinée aux Pays-Bas est très influencée par nos voisins belges. Il y a de nombreuses séries classiques célèbres comme Lucky Luke, ou Astérix, qui se vendent toujours aussi bien – même si leurs créateurs sont morts depuis longtemps ! (Il y a de jeunes artistes qui reprennent la série donc elle continue simplement). C’est un type de lecture assez nostalgique, je pense, fondé sur ce que les gens lisaient quand ils étaient enfants. Par ailleurs, les Néerlandais adorent absolument le magazine Donald Duck. Les chiffres de vente sont insensés. Et je comprends pourquoi. Les histoires sont plutôt bonnes et drôles, et j’ai l’impression que cela devient une tradition culturelle. Les parents le donnent à leurs enfants, qui le donneront à leurs enfants, etc.
Si vous deviez décrire votre temps, en tant qu’étudiante à Paris, en quelques mots…
J’ai vécu beaucoup de moments typiquement français. Je veux dire, avec mes camarades de classe, nous avons fêté le quatorze juillet en mangeant de la charcuterie et buvant du vin au bord de la Seine, en regardant les feux d’artifice. Comment faire plus français que ça ?
Si vous avez un mot pour définir la culture néerlandaise et un pour la culture française ?
Boterham.
Baguette.
Aujourd’hui, vous êtes une auteure-illustratrice reconnue et primée. Quel conseil donneriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans la bande dessinée ?
N’imitez pas les autres, ils sont assez nombreux !
Comment / où puisez-vous votre inspiration ?
Cela varie. Je peux entendre une chanson à la radio et être inspirée pour une histoire, ou je peux visiter un musée… Mais cela peut aussi être une simple conversation que j’ai eue avec un ami. Tant de choses peuvent m’inspirer ! J’ai l’impression que mes yeux et mes oreilles sont ouverts toute la journée !
Qui ont été / sont vos modèles / influences ?
Mes plus grandes influences étaient probablement les mangas que j’ai lus quand j’étais adolescente. J’étais obsédée par ce style de dessin de bandes dessinées japonaises et je voulais dessiner aussi bien que les « maîtres ». À force de pratiquer, j’ai découvert qu’il faut en fait beaucoup de travail pour être bon… Alors j’ai persisté. J’ai, depuis cette époque, toujours eu une bonne éthique de travail. Et le style manga fait toujours partie de mon travail.
Comment vous voyez-vous à soixante ans ? (En rapport avec les bandes dessinées : L’obsolescence programmée de nos sentiments et 60 printemps)
Ha ! J’espère que je dessinerai encore, mais peut-être autre chose que des bandes dessinées. J’aimerais expérimenter davantage avec la peinture, le dessin de la vie, ou peut-être même l’art abstrait. Qui sait !
Cette interview vous inspire-t-elle une envie d’illustration ? Accepteriez-vous que nous la publions à côté de nos questions ?
Oui ! La voici. Je vous laisse deviner à quelle question elle appartient :).