Rencontre avec Maxime Papin
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Marine DUPÉ
À l’occasion du classement des meilleurs croissants d’Amsterdam par le quotidien Het Parool, Francine s’est rendue chez Grammes, la pâtisserie française de Rivierenbuurt ouverte en février dernier par le français Maxime Papin. Ses incroyables croissants ont été classés deuxièmes d’Amsterdam : une consécration bien méritée au vu de l’engagement du jeune chef pâtissier.
Peux-tu nous présenter les grandes lignes de ton parcours ?
J’ai commencé par une école d’hôtellerie avant de m’orienter vers la pâtisserie puisque j’ai toujours aimé faire des gâteaux. Pendant mes études, j’ai été stagiaire au George V et auprès de James Berthier [trois fois finaliste du Meilleur Ouvrier de France, ndlr] avant d’être embauché chez Pierre Hermé. Entre 2013 et 2014, je me suis installé à New York pour être sous-chef chez François Payard. De retour à Paris j’ai travaillé comme chef pâtissier avec le chef Benoît Castel sur son projet Liberté Pâtisserie-Boulangerie. Après cette expérience, qui m’a conduit jusqu’à l’ouverture de la franchise à Tokyo, j’ai voulu me concentrer sur la gestion et les opérations en devenant chef de production et consultant en production pour Yann Couvreur Pâtisserie en 2018. Et puis me voilà à Amsterdam depuis mars 2020 !
Pourquoi as-tu emménagé aux Pays-Bas ?
Après deux ans de relation longue distance, je me suis installé à Amsterdam avec ma copine hollandaise. J’ai d’abord cherché à travailler en restaurant, mais beaucoup ne sont pas prêts à accueillir de chefs pâtissier dans leur équipes : un peu de sucre dans leur préparation et hop ! ils ont un dessert. Paradoxalement, je voyais que les Néerlandais sont en recherche de qualité : ils veulent profiter ici des goûts et produits qu’ils pourraient trouver en France. J’ai donc décidé d’ouvrir ma boutique car le marché était très ouvert. C’était encourageant, mais je me demandais aussi pourquoi de grands pâtissiers n’avaient pas eu cette idée puisque Amsterdam est une capitale montante. Finalement, je suis arrivé juste au début de la pandémie, en pensant que ça allait être un rhume de 3 mois : pas vraiment le meilleur timing pour créer une entreprise !
Deuxième meilleur croissant d’Amsterdam : Bravo ! Cependant, avec ton parcours, on peut être surpris que tu proposes plus de viennoiseries que de pâtisseries. Quelle en est la raison ?
Effectivement, la viennoiserie est généralement associée à la boulangerie, mais je ne suis pas boulanger. Je crois que la viennoiserie est un entre-deux : si on fait de la viennoiserie aussi précisément qu’on fait de la pâtisserie, on n’arrive pas du tout au même résultat qu’en boulangerie ! [Comme le prouve la consécration d’Het Parool, ndlr] Chez Grammes, on fait plus de qualité que de quantité, avec une vraie attention aux détails.
Pour le moment, je ne peux pas proposer beaucoup de desserts pâtissiers car nous n’avons pas encore de vitrine réfrigérée pour présenter et conserver les produits. Je préfère donc faire une pâtisserie par semaine en précommande, les samedis, plutôt que de risquer de perdre les préparations, surtout avec cette chaleur. Lorsqu’on aura la vitrine réfrigérée et qu’on sera plus nombreux, on offrira un plus grand assortiment de pâtisseries.
Mon premier objectif était de montrer chaque semaine la palette de ce que je sais faire : ça permet de faire découvrir les produits et mon approche, en attendant de se développer.
Quelles sont les étapes de ce développement ?
J’ai créé l’entreprise avec mes fonds propres, sans investisseurs, et sans banque. La Covid a tout compliqué : les banques ont préféré prêter de l’argent à leurs clients existants pour qu’ils s’en sortent plutôt que de parier sur de nouveaux projets. Donc tout prend un peu plus de temps et je dois avancer par étapes. Ça n’est pas pas toujours facile pour les clients de comprendre pourquoi on n’est ouvert que deux jours par semaine : je dois expliquer quotidiennement que nous ne sommes que deux, et que nous n’avons pas encore le matériel indispensable comme la vitrine.
Je recherche actuellement un pâtissier et une personne pour la vente : en fonction de l’avancée du recrutement et des formations, on va pouvoir ouvrir 2 jours entiers, puis trois jours et enfin 4 voire 5 jours.
Comment te positionnes-tu par rapport aux autres pâtisseries françaises d’Amsterdam ? Quelles sont les valeurs de Grammes ?
La saisonnalité est très importante pour moi. J’ai également un vrai savoir-faire technique, dans les recettes et la décoration. Chez Grammes, on ne fait pas de montages de gâteaux congelés puis démoulés : ça tout le monde peut le faire [euh… ndlr]. On oublie aussi les glaçages super brillants qui sont en fait plein de sucre et de gélatine. Avec ces ingrédients et techniques, le résultat peut être très beau, mais rarement très bon. Je veux travailler les goûts autant que la décoration plutôt que d’avoir des pâtisseries purement esthétiques, sucrées et gélatineuses.
Quels sont les avantages et les défis d’ouvrir une pâtisserie aux Pays-Bas plutôt qu’en France ?
La faible concurrence m’aide à me positionner, mais je dois aussi éduquer mes clients à mes produits. Ma tarte citron coûte 5 euros : dans d’autres pâtisseries, même françaises, elle est à 3 euros – mais ça n’est pas du tout le même travail, la même intention de création, ni les mêmes ingrédients. Pareil pour la viennoiserie : certains clients sont surpris par les prix, jusqu’à ce qu’ils goûtent, et alors ils reviennent. Ils peuvent toujours acheter les 5 croissants pour 1 euro chez Albert Heijn, mais ils sont conscients que ça n’est pas du tout la même qualité.
Un autre défi inattendu aux Pays-Bas : le taux d’humidité dans l’air qui altère les produits beaucoup plus rapidement qu’en France ! Ici, je dois « brutaliser » la viennoiserie en démarrage au four pour créer une croûte croustillante qui va se ramollir plus rapidement qu’en France. Pour faire mes pralinés, je dois préparer mon caramel le jour même car il serait tout mou et inutilisable le lendemain. À Amsterdam, je sais que je ne peux pas faire de Saint-Honoré, par exemple, parce que le caramel va fondre à cause de l’humidité et être absorbé par le chou. Ces contraintes sont finalement assez intéressantes : elles poussent à la création !
Où te fournis-tu pour tes ingrédients ?
Notre farine vient de Chartres et pour nos viennoiseries nous n’utilisons que du beurre français… qui est beaucoup plus cher qu’en France ! Mais je tiens aussi à contrebalancer l’importation de produits français en travaillant avec des acteurs locaux. Par exemple, pour le chocolat, je suis en contact avec The Chocolat Makers, basés à Amsterdam, qui font du chocolat bio et fair trade. Pour le café, je travaille avec White Label, une autre entreprise amstellodamoise avec une vraie relation au produit. Pour le lait, j’espère vraiment travailler avec MOMA Melkboer et j’achète mes fruits et légumes chez Lindenhoff. Je leur fais vraiment confiance : je sais qu’ils travaillent avec des producteurs bien rémunérés.
J’essaie de me séparer progressivement des grosses machines pour collaborer avec des fournisseurs locaux. Bien sûr, tous ces ingrédients coûtent plus chers que chez Albert Heijn, et si ça n’est pas du tout la même qualité, il faut répercuter ces coûts sur les prix de vente.
Quels sont tes centres d’intérêt quand tu n’es pas dans la pâtisserie ?
Je fais beaucoup de sport : il faut arriver à les porter, les sacs de 25 kilos de farine ! J’aime aussi beaucoup la musique et les podcasts sur la musique, comme Dissect. Je veux aussi reprendre la photo… Je pense que pour évoluer dans mon métier il faut puiser l’inspiration ailleurs que dans la restauration.
Quelle bonne adresse aimerais-tu partager avec nos lecteur.ices ?
Vanderven : un super restaurant qui a ouvert l’été dernier. Leur pâtissier, Alex (un Français) est vraiment talentueux, et le chef a un gros bagage, il a bossé dans pas mal de restaurant étoilés.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite s’installer ici ?
Achète un bon K-way !
Qu’est ce qui te manque de la France ?
Ma famille et mes amis ! Ça a été difficile cette année avec les restrictions et mes neveux poussent beaucoup trop vite ! La food aussi me manque, évidemment.
Y a t-il un projet pour lequel tu as besoin des lecteur.ices de Francine à vélo ?
On va créer un crowdfunding pour financer une vraie machine à café (12 000 euros) et la vitrine réfrigérée (8 000 euros). On aura vraiment besoin de la communauté de nos clients pour atteindre nos objectifs ! On cherche aussi un.e pâtissier.e et une personne qui parle néerlandais pour la vente.
Carte d'identité
Prénom : Maxime
Nom : papin
Profession : Chef pâtissier, propriétaire de grammes
Site : Grammes
Instagram : @grammes_ams
En attendant de pouvoir profiter de tout le talent de Maxime dans le comptoir réfrigéré de sa pâtisserie, rendez-vous sur le site de Grammes pour pré-commander vos desserts et ses incontournables croissants.