Rêver à vélo

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Après 8 ans d’embouteillages entre San Francisco et la Silicon Valley, je rêvais de liberté, d’air frais, de silence et surtout de prendre mon temps. Quand l’occasion s’est présentée de déménager à Amsterdam, aucune hésitation, j’ai sauté dans l’avion. La première chose à régler en arrivant: acheter un vélo… d’occasion bien sûr!

 

Après quelques jours de recherches dans les nombreuses boutiques de la ville, je me retrouve confortablement assise sur mon vélo couleur Barbie à Hawaii, le seul que j’ai trouvé avec des freins au guidon et pas au pied. Il faut dire qu’originaire de Paris, je n’ai jamais vraiment fait de vélo en ville, donc je reste classique dans mes choix de freinage. Alors que je m’apprête à découvrir Amsterdam, il se met à pleuvoir. Mais pas juste une petite averse, une pluie qui durera pendant des semaines, des mois, ininterrompue. Une pluie tellement mouillée que même les Néerlandais, fait exceptionnel, se sont mis à râler. 

Mais le plus extraordinaire dans ce déluge, c’est de les voir sur leurs bicyclettes, bravant les intempéries, droit comme des “i”, la tête haute, le coup de pédale efficace, un parapluie dans une main, l’autre au chaud dans une poche, en équilibre, soulevant les pieds à l’approche des flaques d’eau, comme si leurs montures étaient en pilote automatique. Jamais, même dans mes rêves les plus fous, je ne me serais permis ce genre de liberté acrobatique ! Maintenant, je vous le dis fièrement : moi aussi je soulève les pieds à l’approche d’une flaque d’eau ! 

 

Et mon étonnement ne s’arrêta pas là. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse soleil, les Néerlandais sont des as du vélo. Sur leur porte bagage tout est possible, de la belle mère au frigidaire. Le matin, ils transportent leur progéniture en grappe, debout sur le porte bagage, assis entre les jambes du pédaleur ou en équilibre sur le guidon, 3 ou 4 d’un coup, sans doute, sans effort, sans sueur. 

 

Leur déplacement est musical, comme des notes sur une portée. Les vélos se placent, se dépassent, se croisent, à des rythmes différents. Certains sont comme des croches qui sautillent, d’autres comme des blanches qui s’allongent. Ensemble, ils écrivent une symphonie. Cet opéra est d’autant plus marquant que l’usure du métal, la rouille, fait chanter les vélos. Certains s’expriment à chaques coups de pédales, d’autres réagissent à l’inégalité des pavés. C’est une musique de la vie, crissante et criquetante, amusante et personnelle. Avec une bonne oreille, et un peu d’entraînement, on en arrive à entendre ses amis arriver de loin. 

 

Comme je suis peintre, j’ai rapporté toutes ces émotions dans l’atelier pour essayer de les transformer en image. Et quel bonheur que de reproduire ces scènes improbables, de créer des vélos impossibles,  d’accumuler les passagers et les objets en pyramides plus ou moins stables. J’espère que vous aussi vous aimez vos promenades en vélo. De tout ce que les Pays-Bas ont à nous offrir, c’est vraiment cette petite musique que j’emmènerai avec moi quand nous repartirons.

Texte et illustration : Fleur Spolidor

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