3 entrepreneurs français aux Pays-Bas

Monter sa société aux Pays-Bas, du rêve à la réalité, 3 chefs d'entreprise racontent

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Chloé Genovesi Fluitman

Élever des chèvres dans le Larzac, ouvrir sa paillote au Guatemala, vendre des bracelets brésiliens à Ibiza, nous avons tous rêvé (ou presque) de tout plaquer pour vivre une vie qui “reflète qui je suis au fond, tu vois ce que je veux dire”. 

Pour la plupart d’entre nous, ces fantasmes le resteront. C’est très bien comme ça, “vendre des bracelets brésiliens à Ibiza” ne figurera jamais sur un business plan raisonnable. Ils ont toutefois l’avantage de nous faire du bien et parfois même de nous pousser à nous interroger. 

Mais que se passe-t-il pour ceux qui se lancent vraiment ?

À travers leur histoire, trois entrepreneurs nous racontent la réalité de la création d’une entreprise.

L'histoire de Monsieur et Madame Théâtre

Monsieur et Madame Théâtre, c’est l’histoire de Vincent et Natacha, un couple de comédien.ne.s. En 2015, ils ont le coup de foudre pour la ville de Hoorn s’installent aux Pays-Bas.

Comme il n’est jamais possible d’échapper longtemps à sa passion, ces deux mordus de théâtre ont retrouvé leur habitat naturel, sans quitter les Pays-Bas pour autant !

 Notre entreprise, Monsieur Théâtre, propose des cours de théâtre en Français à Amsterdam. Depuis peu, Monsieur Théâtre est devenu Monsieur et Madame Théâtre, puisque Natacha est maintenant la seconde professeure. 

Monsieur et Madame Théâtre proposent aussi des cours d’impro, des stages de cinéma, des spectacles de marionnettes, des conférences sur l’histoire du théâtre et nous venons de créer un club de lecture (… de pièces de théâtre bien sûr !). Nous préparons aussi les candidats aux conservatoires d’Art dramatique ou aux écoles de théâtre. 

Régulièrement, nous donnons des représentations de pièces de théâtre, notamment grâce à notre troupe professionnelle : La compagnie Odysseus. Notre répertoire est très vaste. 

 

Monsieur et Madame Théâtre s’adressent à tous les amateurs de théâtre, qu’ils souhaitent se lancer sur les planches ou partager leur passion. Et puisqu’on parle de partage, les activités sont souvent l’occasion de se rencontrer entre francophones :

Les élèves de nos ateliers sont principalement des expatriés et des immigrés Français. Chez nous, ils peuvent également créer un lien social ( ou amical ) avec d’autres natifs. Il est arrivé parfois que des expatriés ou des immigrés d’autres origines ( avec un bon niveau de français ) nous rejoignent. (…) Dans nos stages d’impro, nous avons déjà accueilli des touristes. 

Pour Natacha et Vincent, la création de M. Théâtre s’est imposée avec le temps, même s’ils ne pensaient pas en vivre entièrement. Et pourtant…

En 2015, nous sommes venus nous installer aux Pays-Bas par plaisir. (…) Assez vite, nous avons découvert qu’il existait une vraie demande concernant le théâtre en français à Amsterdam. Passionné et riche de son expérience, Vincent a voulu essayer. Presque aussi vite, nous avons constaté que créer une entreprise aux Pays-Bas était beaucoup plus simple qu’en France. On vous demande très peu de documents administratifs et on vous offre même un café ! 

Ils ont rencontré deux défis. Si le premier est commun à tous les entrepreneurs, le deuxième est très spécifique (et on aurait aimé assister à ça) :

Il faut se montrer patient. Au début, c’est difficile de se faire connaître et puis il faut faire ses preuves. De plus, dans le centre d’Amsterdam, il peut être difficile de transporter nos décors. Mais depuis que nous avons déplacé un trône pour une reine d’Angleterre en caddie, plus rien ne nous fait peur ! 

Pour eux, patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Ou plutôt, Patience et qualité font plus que Réseaux sociaux ni qu’empressement.

Les gens doivent parler de toi pour ton talent, la qualité de ton travail et non pas grâce à ton aptitude à exister sur les réseaux sociaux. Sois patient, ne brûle pas les étapes, prends le temps de te faire ta place.

L'histoire de brioche

Brioche est une boulangerie qui porte merveilleusement bien son nom. Spécialiste des brioches, mais pas seulement, l’établissement cartonne depuis son ouverture, il y a deux ans. 

Si ses deux gérants ont réalisé leur rêve en ouvrant une boulangerie dans une ville dynamique et agréable, ils ont quadrillé leur parcours pour éviter les désillusions. Tout d’abord, il fallait trouver le bon endroit pour se lancer : 

(…) Nous avons souhaité réaliser notre projet dans une ville alliant une certaine douceur de vivre à un certain dynamisme. Nous étions venus à de nombreuses reprises à Amsterdam et nous aimions beaucoup l’ambiance qui s’en dégageait. C’est donc tout naturellement que nous avons souhaité faire ce projet ici !

Une fois la destination choisie, les deux gérants ont dû se débrouiller pour trouver un local et créer un réseau dans une ville qu’il ne connaissait pas du tout : 

Nous avons rencontré deux grands défis. Le premier a été de trouver un local adapté à notre activité et situé dans un quartier ayant du passage. Pour cette étape, nous avions fait appel à un intermédiaire néerlandais afin que le contact soit plus simple avec les agences et les propriétaires.

Le second défi a été de se faire connaître dans un contexte où nous ne connaissions quasiment personne. Bilderdijkstraat étant une rue assez animée, cela nous a permis de nous faire connaître des passants. Dans un premier temps, nous nous sommes fait connaître dans la communauté française et par la suite, en développant notre gamme de produit et notre communication sur les réseaux sociaux.

Pour attirer l’attention des locaux et fidéliser les curieux, Brioche propose désormais d’autres produits, toujours confectionnés avec le même savoir-faire :

Lorsque nous avions uniquement de la brioche, nos premiers clients étaient essentiellement français, car la brioche est un produit qui était plutôt méconnu pour les Néerlandais. L’arrivée de produits plus connus comme le croissant ou le pain au levain, nous a permis d’attirer une nouvelle clientèle, notamment néerlandaise. Nos produits sont donc destinés à tous ceux qui souhaitent trouver ou retrouver des produits de boulangerie française (…)  ils sont toujours faits sur place et avec des matières premières sélectionnées minutieusement. Nous essayons également de limiter notre impact environnemental dans notre activité quotidienne.

Pour finir, nous avons demandé au créateur de brioche quel conseil il pouvait donner à ceux qui rêvent de monter une affaire à l’étranger : 

Le seul conseil concret que je me permettrais de donner, c’est de se faire accompagner lors du lancement de son projet. Ça aide d’avoir quelqu’un qui maîtrise les nombreuses règles pour vous accompagner. (…)  La communauté française représente par ailleurs un soutien très important :  il y a beaucoup de personnes qui connaissent plein de choses.

L'histoire de la librairie du chat noir
@crédit photo Pauline Walzak

La librairie du Chat Noir est une bouquinerie et un lieu polyvalent d’échange et d’événements culturels. Aux commandes, on retrouve Tiphaine Hubert, libraire de profession et autrice. Elle et son mari sont arrivés aux Pays-Bas en 2018, après être tombés amoureux de la ville d’Amsterdam. Elle veut prendre du temps pour écrire, et lui a comme projet de monter une école sur place. Après avoir travaillé comme libraire à Amsterdam et en France et publié quatre livres, elle a ouvert La librairie du Chat Noir le 21 septembre 2024.

Cette passionnée  maîtrise son sujet sur le bout des doigts et connaît également l’industrie du livre, des compétences essentielles pour se lancer à son compte dans ce milieu : 

Au début, je voulais écrire, mais écrire, ça ne paye pas. Je me suis dit que si je voulais travailler dans le livre, je pouvais devenir libraire. Je ne pensais pas tomber amoureuse de ce métier, et pourtant… Je ne pensais pas non plus devenir commerçante un jour, mais une fois encore…  J’aime la relation avec les clients et les autres acteurs de la chaine du livre. 

Elle envisage également La Librairie du Chat noir comme un espace culturel, proche du tiers lieu : 

J’aime les livres, mais j’aime aussi les gens et je veux que la librairie du chat noir soit un lieu de rencontre pour la communauté française et pour les néerlandais francophiles. J’ai envie que la librairie soit aussi un lieu de passage qui vienne casser la routine Métro Boulot Dodo, un endroit où passer en rentrant chez soi. Il s’agit d’un lieu artistique et de curiosité qui va se développer. La boutique est agencée dans ce sens : l’esthétique et la scénographie ont été pensées et réalisées par Pauline Boué. 

Mais comment en est-on arrivé là ? Tiphaine ne s’épanouissait plus dans les projets des autres et l’idée d’ouvrir sa bouquinerie d’occasion francophone s’est imposée petit à petit. Avant de se lancer, elle a confronté son projet à la réalité du secteur : 

Plusieurs petites choses m’ont fait me dire que je pouvais effectivement ouvrir ma librairie aux Pays-Bas, notamment parce que le marché de l’occasion francophone n’était pas encore couvert. Il faut également savoir que la France édite et traduit beaucoup, nous avons donc une profusion de titres qu’il n’y a pas dans la plupart des pays, et c’est quelque chose qui intéresse les néerlandais.

Comme tous les créateurs d’entreprise, Tiphaine a dû relever quelques défis, et notamment celui de l’administration néerlandaise : 

Ce qui est le plus dur pour moi, c’est de me confronter à l’administration néerlandaise. Rien n’est compliqué, mais ça reste l’inconnu dans une langue que je ne maîtrise pas. Ça m’impressionne beaucoup. J’ai peur de mal faire, j’ai peur de ne pas faire dans le bon ordre, je me dis que j’oublie des choses. Mais comme on me le dit tout le temps : si personne ne m’arrête, c’est que je suis sur la bonne voie. La preuve : la boutique est ouverte.

Pour éviter les déconvenues et naviguer dans ce nouveau monde, la libraire a sollicité les conseils de personnes déjà passées par là : 

J’ai pu trouver beaucoup de ressources sur les groupes et les Forums Facebook comme Le forum café ZZP, Les Mamans d’Amsterdam, French People in Amsterdam et Amsterdam Business Mama. Il ne faut pas hésiter à poser ses questions même si elles semblent bêtes. J’y ai aussi rencontré des gens que j’ai pu appeler pour avoir de l’aide.

Pour finir, Tiphaine rappelle l’importance de se former et de se renseigner avant de se lancer. 



Tous ces témoignages le prouvent : une bonne idée et une envie, ça ne suffit pas. Il faut se préparer en amont.