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Sinterklass vs. le père-Noël : le choc des vieux barbus

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Camille Gost

Nous sommes début novembre. Ma famille, débarquée tout droit de France, vient me rendre visite. Émerveillés par les rues illuminées et déjà couvertes de décorations, ils me lancent, avec un sourire moqueur, mais plein d’étoiles dans les yeux : « Mais pourquoi si tôt ? ». Je tente alors de leur expliquer qu’ici, aux Pays-Bas, on donne moins d’importance à Noël qu’à Sinterklaas, en me lançant dans une explication décousue et dépourvue de sens de la célébration (et si vous souhaitez faire mieux que moi, je ne peux que vous recommander l’article qui vous explique comment fêter dignement la Saint Nicolas). Ils me scrutent, perplexes, puis me lancent un : « Mais, c’est quoi la différence, alors ?! ».

Et là, c’est le drame. Ils me regardent, je les regarde. Ils attendent une réponse, ils sont pendus à mes lèvres. Le vide, un blanc, je ne sais pas.

Pour vous éviter de vivre la même situation gênante et répondre à cette question, nous avons organisé l’affrontement des deux barbus les plus célèbres du mois de décembre. 

Origines, traditions, valeurs, quand le Saint Nicolas affronte le Sinterklaas, ça donne quoi ?



L'affrontement

Mesdames et Messieurs, bienvenue pour ce choc culturel et festif : dans un coin, le légendaire Sinterklaas, maître des traditions néerlandaises, et dans l’autre, le puissant Père Noël, star mondiale des fêtes de fin d’année. Préparez-vous, c’est l’affrontement de décembre, où chaque coup est une pluie d’étoiles et de magie !

ROUND 1 : LES ORIGINES

Dans le camp de Sinterklaas, on remonte loin dans le temps, jusqu’au IVe siècle. Saint Nicolas, évêque de Myre, est à la source de cette légende. Connu pour sa bonté envers les pauvres et les enfants, il traverse les siècles et débarque chaque année aux Pays-Bas sous la forme de Sinterklaas. Austère, mais bienveillant, il arrive par bateau, en grande pompe, et prend d’assaut les cœurs néerlandais dès la fin novembre.

 

En face, Noël riposte avec une figure plus récente, mais ô combien marquante : le Père Noël. Lui aussi dérivé de Saint- Nicolas, mais passé à la moulinette américaine. On l’appelle Santa Claus, et il troque la mitre pour un bonnet rouge, le bateau pour des rennes volants et la sainteté pour une avalanche de marketing. On remercie bien entendu la marque Coca-Cola pour ce relooking devenu culte. Une figure internationale qui incarne la modernité et la magie de Noël.

ROUND 2 : LA DURÉE DES FESTIVITÉS

Sinterklaas déploie une stratégie longue durée. Dès son arrivée spectaculaire fin novembre, il est accueilli comme une superstar locale. Certains soirs, les enfants déposent leurs chaussures près de la cheminée ou à l’entrée, espérant y trouver des friandises au matin, comme des pepernoten, des pièces ou des lettres en chocolat. Et cerise sur le gâteau : le Sinterklaas journal (le fameux journal télévisé de Sinterklaas). Oui, vous avez bien lu  ! Chaque soir à 18h, un épisode raconte les aventures de Sinterklaas et des Piets, ces pages facétieux qui escortent le saint. Derrière l’apparente gaité et l’ambiance bonne enfant, les Piets ont longtemps incarné des stéréotypes colonialistes et racistes puisqu’ils étaient grimés de Black Face et répondaient au nom de “Zwart Piet” (Piet le noir) . Le Sinterklaas journal, lui-même, n’a cessé d’utiliser ce nom qu’en 2019.
Les Piets n’hésitent pas non plus à venir semer la zizanie chez papa et maman, c’est leur petite marque de fabrique lorsqu’ils déposent les cadeaux.

Noël, de son côté, joue la carte du sprint. Une préparation méticuleuse pour un ou deux jours d’euphorie. Le 25 décembre, on célèbre la naissance de Jésus Christ dans une ambiance chaleureuse et familiale. Sapins étincelants, repas généreux, chants traditionnels : Noël offre un moment de communion d’une intensité inégalée.  Aux Pays-Bas aussi, on fête Noël, mais le père Noël, lui, fait de la figuration en apportant parfois des petits cadeaux. Mais ne nous leurrons pas, ici, à Noël, les stars du show, ce sont les proches. Pas besoin d’une nouvelle télé quand on peut jouer au monopoly avec sa mamie.

ROUND 3 : LES AMBIANCES

Sinterklaas mise sur la légèreté et la joie. Les rires fusent, les surprises amusent, et les poèmes et les défis bien intentionnés apportent une dose de complicité. C’est une fête où tout semble plus ludique, plus léger, dans le meilleur sens du terme. 

Noël, en revanche, sort l’artillerie lourde de l’émotion. Les lumières douces des bougies, les sapins décorés avec soin, les repas où l’on prend le temps de savourer chaque bouchée : tout invite à la réflexion, au partage, et à une certaine gravité, où chaque moment semble figé dans une bulle d’intemporalité.

ROUND 4 : LES SYMBOLIQUES

Regardons les combattants eux-mêmes. 

Sinterklaas est simple, presque austère. Avec sa grande mitre et sa crosse, il incarne la sagesse et la générosité ancrées dans la tradition. C’est une figure de respect qui s’adresse directement aux enfants, mais fédère toute la communauté. Enfin, dans l’idée. Dans les faits, Sinterklaas, c’est un peu votre tonton raciste à Noël, il fait de sacrées sorties de route.

 

Face à lui, le Père Noël est un véritable showman. Avec son rire tonitruant, son traîneau magique et son usine à jouets dirigée par des elfes, il représente une vision fantastique du don et de la joie. Mais soyons réalistes : derrière la magie se cache un marketing redoutable qui a fait de Santa Claus un symbole universel du consumérisme.

  

ROUND 5 : LES CADEAUX

Sinterklaas opte pour des présents à taille humaine. Ici, pas de montagnes de paquets, mais des surprises choisies avec soin. Des surprises pratiques, éducatives ou symboliques, emballées avec soin et, souvent, originalité : livres, jeux de société, petites douceurs… On mise sur la qualité et la réflexion, pas sur la démesure. Le tout est livré dans les chaussures des enfants, parfois avec un morceau de chocolat en forme de leur initiale ou une poignée de pepernoten, ces petits biscuits épicés si typiques.

Noël, lui, joue la carte de l’extravagance et de la mise en scène. Les cadeaux, soigneusement emballés dans du papier brillant, sont disposés sous le sapin, soit bien avant le jour J, pour faire monter la tension et la magie, soit par le Père Noël lui-même, pour les plus chanceux. Les cadeaux ? Vêtements, derniers objets connectés, jouets à la mode… Noël suit l’air du temps et n’hésite pas à s’aligner sur les tendances commerciales.

LE Gong Final

 

Voilà que sonne le gong de la fin du match, chers lecteurs. Mais dans ce duel haut en couleur, personne ne perd ! Que l’on célèbre Sinterklaas ou Noël, l’esprit reste le même : offrir, partager, et passer des moments précieux avec ceux qu’on aime.

Alors, chers lecteurs, que vous soyez équipe Sinterklaas ou camp Noël, sachez apprécier la magie propre à chacune de ces fêtes. Et la prochaine fois que vous verrez les rues scintiller dès novembre, rappelez-vous : ici, on a la chance de célébrer deux fois la magie de décembre.